Retour sur l’ascension du Kilimandjaro par un groupe de copains, pour beaucoup rugbymen, Marc Lièvremont, Thomas Castaignède, Laurent Tomasella, Sébastien Morizot, Didier Don… Vanessa Morales en guide infirmière avaient relevé le challenge d’atteindre le toit de l’Afrique et d’accompagner David Berty, atteint de sclérose en plaques, jusqu’au sommet, 5 895 m ! Magnifique ascension d’un groupe soudé dans l’adversité et les difficultés, en voici quelques sensations avant de pouvoir en voir les images d’un film qui sortira prochainement.
VANESSA MORALES
Vanessa, vous rentrez d’une aventure hors du commun, pour votre 6e ascension du Kilimandjaro, dans un contexte très différent de votre FKT (record). Quelles sont vos sensations ?
Pour moi le défi était encore plus fou, plus grand, que les fois précédentes de par les responsabilités : je devais guider, médicaliser, « materner » un groupe.
J’avais bien sûr en tête d’amener David (Berty) au sommet, mais pas que… Je tenais à ce chiffre symbolique, ce chiffre 15 si symbolique pour ce groupe essentiellement constitué de rugbymen. Il était impensable que les 15 membres du groupe n’arrivent pas en haut ensemble.
J’ai tout donné pour que chacun y arrive en sécurité et aujourd’hui mon cœur est gros, chargé en émotions positives. Cette aventure a été extraordinaire et, de loin, une des plus belles que j’ai pu vivre sur cette montagne.
Une équipe soudée, forte et une belle amitié globale. Alternativement, ils se sont portés les uns les autres pour ne pas passer en laisser un sur le chemin. La douleur physique d’une ascension devient mentale, certains l’ont vécu plus durement que d’autres.
Je suis admirative, car David a été un surhomme le jour du sommet, comme Marc, Patrick… tous ceux qui ont été chercher au plus profond d’eux pour atteindre ces 5 895 m.
DAVID BERTY
David, vous rentrez du Kilimandjaro, votre carrière sportive est jonchée d’exploits, quelle est la saveur de celui-ci ? Sa différence par rapport à tout le reste ? Quelle est votre sensation, 24 h après votre retour en France ?
J’ai gagné quelques titres et vécu quelques belles victoires, mais la saveur est différente, comme les sensations d’ailleurs. On ne peut pas décorréler de cette victoire sur le sommet, les douleurs pour y arriver, c’est probablement ce qui donne cette plénitude, je suis d’ailleurs toujours sur mon nuage, je ne réalise pas.
Chaque matin, on regarde vers le sommet et on se fixe l’objectif d’atteindre le camp suivant, la seule vision que je m’autorise quand on marche, ce sont les pieds de celui qui me précède. Il n’y a que lors des pauses que je regarde le paysage magnifique.
Le dicton « seul on va plus vite ensemble on va plus loin » a pris tout son sens, le groupe a été salvateur pour presque tous, sans la notion d’équipe qui part ensemble et qui doit arriver ensemble, certains d’entre nous n’auraient pas atteint le sommet. À chaque porte atteinte nous faisions une photo de groupe, des XV, probablement pour ce qui pouvait être le dernier souvenir du palier atteint par l’un d’entre nous, mais également pour que chacun d’entre nous se dise, je serai sur la photo suivante coute que coute. Pour ma part, chaque douleur ou fatigue faisait partie du prix à payer pour cette victoire.
Tout cela pour ce moment ! Ces dix derniers mètres où je me suis pris à accélérer, pour un excès d’euphorie de quelques secondes où tu sautes partout alors que quelques secondes avant un pas était une douleur ! Le sommet est là, il est atteint, nous l’avons tous atteint.
Pour l’anecdote, dans mon euphorie, j’ai voulu taper la porte comme je tapais le bouclier, je me suis vautré et j’ai heurté la porte avec la tête, j’ai maintenant une belle cicatrice en souvenir.
Pour conclure, je voudrais mettre en perspective ce que fait Vanessa, elle qui l’an dernier l’a gravi 3 fois en 9 jours qui plus est avec un record du monde, elle est « jobarde » !
PATRICK FOCH
Patrick Foch, en plus d’être un acteur de l’ascension, vous êtes également cameraman, photographe… et réalisateur du film à venir qui retracera cette magnifique expédition. Vous étiez de la première ascension du Kilimandjaro de Vanessa Morales. Quel est votre ressenti de celle-ci à chaud, le lendemain de votre retour ?
Effectivement, bien des choses ont changé entre la première tentative de record de Vanessa et cette ascension collective. Vanessa est, plus encore qu’à l’époque, totalement à son aise en ses hautes altitudes. On sent qu’elle est en totale maîtrise et que son corps suit sans difficulté ce que son cerveau exige. Mais il y avait cette fois, une forte charge émotionnelle et une lourde responsabilité… puisque Vanessa était la guide, l’infirmière, la “nounou” d’un groupe de 14 personnes. L’altitude et le manque d’oxygène, comme à chaque fois, ont été les juges de paix, transformant la route en un véritable chemin de croix pour ceux ou celles dont l’organisme n’arrivait pas à s’adapter.
Si l’ascension a été un succès, si David a réussi à toucher le sommet du Kilimandjaro, si l’intégralité du groupe a pu accéder au toit de l’Afrique, nous le devons avant tout à l’engagement de Vanessa à nos côtés ! Nous le devons aussi à la formidable solidarité qui se dégageait de ce groupe et à l’altruisme de chacun. Ceux qui étaient en forme n’ont jamais cessé d’épauler ceux qui étaient moins bien. C’est une victoire incroyablement collective qui s’est construite tout au long de cette ascension. C’est précisément cette expérience que nous venions chercher, elle a été au rendez-vous plus que nous l’espérions.
Le film qui se dessine va montrer que, face à la haute montagne, rien n’est écrit à l’avance. La météo, la capacité de chacun à supporter le manque d’oxygène sont quasiment imprévisibles… Les notions de groupe et de “faire ensemble” sont les seules réponses solides à mettre face à la difficulté d’une telle ascension. C’est, en tous cas, l’axe narratif que je souhaite donner à ce documentaire.