Le ressenti et les attentes du mouvement sportif…
Monsieur Mailhé, c’est l’heure des Présidentielles, le mouvement sportif a-t-il une influence sur celles-ci ?
En tout cas, il est actif puisque le mouvement sportif, représenté par CNOSF et tout le monde fédéral a souhaité apporter sa contribution à ces élections, ceci, décliné au national, mais également au niveau régional. Je suis d’ailleurs membre de la commission des territoires.
Le CNOSF regroupe 108 fédérations et membres associés, c’est donc une concertation nationale qui a abouti à un document reprenant les grandes orientations souhaitées par le mouvement sportif.
Vous pourrez découvrir dans les pages suivantes ce projet pour la France Sportive.
Nous découvrons un document assez large dans ses axes de travail !
Ce document porte sur les grandes priorités, avec des propositions bien sûr concrètes, mais qui n’ont pas vocation à être exhaustives, cela peut évoluer en fonction des propositions des candidats à la présidence de la République. L’idée est de leur dire : inscrivez ce projet, notre projet dans votre projet présidentiel. C’était l’objet du rendez-vous donné à tous les candidats, vous connaissez la suite, seulement 3 candidats ont répondu à notre invitation.
Comment est structuré le document et que contient-il ?
Le document repose sur 4 axes, 4 grandes ambitions pour le sport en France. Chaque axe est ensuite décliné, pour aboutir à 20 propositions.
Le 1er axe est destiné à positionner la place du sport en France.
Effectivement, la base est d’établir une relation de confiance entre l’État et le mouvement sportif, par des propositions fortes, à commencer par la programmation d’une COP du sport, ce dès 2023 et avec une mobilisation inédite des acteurs du secteur. Ensuite, nous devons préparer l’après 2024 et faire du sport une grande cause nationale pour réussir l’héritage de cet événement mondial que l’on aura la chance d’organiser. Tout cela passe par l’assurance d’une présence forte et transversale du sport au sein de l’architecture gouvernementale et poursuivre le déploiement de la nouvelle gouvernance du sport tout en rénovant le périmètre de la relation entre l’état et les fédérations.
Le 2e grand axe est de faire bouger les Français ?
Les constats sont là, les capacités physiques des adolescents ont diminué de 20 à 25 % en 40 ans ! 47 % de la population est en surpoids ou obésité, tout ceci a un lien et le sport est un enjeu d’avenir majeur pour la santé des Français. Le fait de pratiquer, ne serait-ce qu’une demi-heure une activité physique fait baisser de 30 % le risque de mortalité prématurée.
Il serait anormal qu’après une telle crise sanitaire qui a mis en exergue les conséquences d’une mauvaise hygiène de vie, d’alimentation, de l’absence d’exercices physiques, le sport ne soit pas inscrit comme une grande cause nationale.
Deux combats majeurs sont à mener, redonner une éducation sportive à nos enfants. C’est enfant que l’on acquiert les bases de sa santé physique et l’envie de faire du sport, et lutter contre la sédentarité. Dans cet objectif, il faut s’appuyer sur le maillage et l’expertise de nos clubs et nos éducateurs. Au CROS Occitanie, nous nous sommes entourés de médecins et spécialistes afin de travailler sur ces thématiques, que la santé soit au cœur du sport et de porter une politique santé ambitieuse.
Il est certain qu’il y a un gros travail à faire auprès de l’éducation de nos jeunes… lutter contre leur sédentarité et leurs habitudes actuelles. Des actions sont en cours et portent leurs fruits tel l’apprentissage pour tous de la nage. Nous souhaitons aller plus loin et préconisons la création d’une association sportive dans toutes les écoles primaires, nous souhaitons également que le coefficient de l’éducation physique aux examens soit beaucoup plus significatif et motivant.
Il y a également le volet sport santé et notamment le sport sur ordonnance, on doit créer les conditions d’un remboursement total ou partiel par les intervenants que sont la sécurité sociale et les mutuelles
C’est bien pour la santé, mais c’est aussi intéressant pour l’axe 3.
Celui du bien-vivre-ensemble oui, du mieux vivre ensemble, il faut reconnaitre au sport ses vertus pédagogiques et civiques. Changer nos enfants c’est changer les choses durablement…
Dans cet axe du vivre-ensemble, nous devons également faire une place et attirer de plus en plus de femmes dans la pratique bien sûr, mais également dans l’organisation du sport et sa direction. Le sport a besoin de dirigeantes. Il faut créer les paramètres qui vont permettre cela. Il faut leur donner envie, mais aussi la confiance. Les récentes affaires de harcèlement, d’agressions ont mis en exergue le besoin d’actions pour lutter contre ce fléau. De manière générale, lutter contre les différences faites, qu’elles soient à destination des femmes, des personnes en situation de handicap ou tout un chacun. On doit égaliser les primes aux sportifs et sportives, parler de JOP et non de JO…
Parité, mixité…
Un autre point important pour cet axe de propositions ?
Tout le mouvement sportif a été impacté par la COVID, la pratique sportive, la compétition, les équipements, l’économie, mais il y a un autre point crucial, sans lequel le sport n’existerait pas, c’est le bénévolat. Il est temps de mettre en place un plan Marshall pour le bénévolat, le mouvement sportif réclame un statut du dirigeant bénévole et des avantages à son engagement. Cela peut se traduire en décharge de temps professionnel, de validations d’acquis de compétences ou, pourquoi pas, l’acquisition de trimestres de retraite. À minima, on doit les aider et alléger les contraintes administratives qui pèsent sur les dirigeants sportifs.
La dimension RSE du sport et des organisations qui l’encadrent est évidemment une réflexion à mener et des actions à décliner.
L’axe 4, le dernier concerne le haut niveau ?
Oui, nous souhaitons bien sûr un sport français qui rayonne, c’est une image de la France.
Les conditions pour la performance sont multiples, la formation, l’accompagnement, le statut du sportif de haut niveau et bien sûr un volet économique important.
Le très haut niveau bénéficie d’accompagnement mis en place depuis quelques années. Est-ce suffisant dans toutes les disciplines ?
Les modèles diffèrent, les acteurs importants des droits d’images, les chaines TV pèsent bien sûr, particulièrement pour les sports phares. Attention aux dérives actuelles de surenchères dont on a pu constater les effets qui pourraient être dévastateurs.
Pour les disciplines plus modestes, moins riches économiquement, il faut probablement renforcer le statut social de l’athlète de haut niveau, tout comme le bénévole. Pourquoi ne bénéficierait-il pas de trimestres retraite ?
Nous avons la chance d’accueillir des événements de très grande envergure, la coupe du monde de rugby en 2023, les JOP en 2024… Profitons-en pour passer d’une nation de sportifs à une nation sportive !
Propos recueillis par André Lafenetre