J’ai 18 ans et je rentre à la fac de Marseille pour une licence de physique- chimie. Ma passion c’est le japonais avec tout ce qui s’y rapporte. J’adore les gros chiens, mais pour un côté pratique j’ai un bichon Charlie que j’amène partout, aux entraînements et en compétition. C’est mon doudou.
Comment as-tu découvert le kitesurf et depuis combien de temps le pratiques-tu ?
Ancienne championne de patinage artistique, j’ai dû arrêter suite à la fermeture de la patinoire. Il a fallu trouver un nouveau sport. Alors que je me promenais avec mes parents un jour de vent à l’Almanarre mon papa m’a dit, « tu pourrais faire du kitesurf, regardes comme c’est beau toutes ces voiles ! »
Le lendemain, je faisais un stage au MF Kite à Giens. J’ai fait mon premier bord, j’ai commencé par le freestyle, en 2016. 6 mois après, Seb Garat, multiple champion du monde m’a inscrite à ma première compétition, le Championnat du Monde junior !
En 2018, je me suis cassé le pied, je ne pouvais plus avoir d’impact avec la planche lors des sauts. C’est ainsi que j’ai découvert le foil. En mai, Ariane Imbert, ma coach m’a inscrite au Championnat du Monde pour que je découvre rapidement le sport de haut niveau à travers les compétitions et les formats internationaux. Je suis arrivée 26/32 dans cette discipline qui n’a rien à voir avec la précédente puisque la planche a un foil et les voiles sont des caissons comme les parapentes.
Le kitefoil se pratique comme une régate, il faut de la vitesse, mais être aussi un bon stratège. C’est ça le kiff ! Trouver et choisir la meilleure trajectoire pour effectuer un parcours sur l’eau et passer l’arrivée. La vitesse ne suffit pas, la stratégie non plus, il faut les 2 en même temps. Dans le foil, il y a un vrai sentiment de liberté parce que l’on peut aller où l’on veut.
Cette année 2022 était très chargée ! Le bac, les entraînements, les compétions comment l’as-tu gérée ?
En, décembre 2021, j’ai représenté la France à l’ISAF Youth à Oman et glané la médaille de bronze. J’ai donc été absente le 1er trimestre. Début 2022, j’ai dû rattraper le 1er trimestre, suivre le 2e trimestre et préparer le bac. Donc, aucun entraînement ! J’ai participé à 2 compétitions internationales et optimisé une grosse préparation physique avec un coach particulier. Cette phase a été révélatrice pour moi : on ne peut pas courir 2 lièvres à la fois ! Tant pis pour le kite, et go pour le bac !
Je suis arrivée au Championnat du Monde des -23 ans avec la soif de navigation. 4e sur la semaine de compétition, puis 2e en semi-finale, je finis 3e mondiale. C’est extraordinaire puisque j’ai battu les rideuses à qui j’avais demandé un autographe en 2019 ! J’avais déjà performé l’année dernière au Championnat d’Europe des U23 où j’étais arrivée 2e.
2022 a été une année très difficile à gérer, et de plus, j’ai des douleurs aux genoux. De la problématique scolaire, je passe à la problématique de la blessure. C’est très dur psychologiquement alors que maintenant je suis libre de naviguer comme je l’entends.
Tu es sur la liste ministérielle des sportives de haut niveau et intégré le pôle France à Montpellier. Comment fais-tu sachant que tu résides à Toulon ?
J’arrête le pôle France, puisque je n’arrive pas à y aller régulièrement. J’ai tout juste 18 ans et jusqu’à maintenant je dépendais de mes parents surtout avec la voiture.
Même si aujourd’hui j’ai le permis, je préfère rester chez moi, puisque j’ai un préparateur physique et mental.
Je retourne donc à l’Almanarre, où s’entraîne l’équipe de France foil avec Ariane coach. Je reviendrai à Montpellier pour faire des stages avec Antoine, entraîneur équipe de France Relève dont je fais partie en fonction du planning. Il est important de faire partie d’un groupe pour se stimuler et se confronter, cela permet de découvrir ses points faibles, mais aussi ses points forts.
Ton ambition est de pouvoir intégrer l’équipe de France olympique et de représenter ton pays aux JO de Paris 2024, comment se présente ta préparation ?
Il a fallu mettre beaucoup de choses en place parce que je suis la seule à sortir du milieu scolaire. Je veux devenir ingénieur. J’ai la chance d’avoir une maman qui s’occupe de toute la partie off. Elle a donc trouvé à la fac de Marseille une licence physique-chimie en distanciel. Avec pour seule contrainte de passer les examens dernière semaine de mai, 1re quinzaine de juin. Sur cette période, je ne pourrais jamais partir en compétition ni faire d’entraînements. C’est un choix pour ne pas perdre pied et en cas de blessure, j’ai besoin d’une porte de sortie.
Je vais donc pouvoir étudier dans mon van sur la plage en attendant les entraînements. En 2023, je vais étudier en fonction des entraînements pour optimiser ma qualification. Je mise aussi sur une grosse préparation physique et mentale avec Gyslain et Cyrille avec qui je partage des relations qui vont au-delà de leurs métiers respectifs. Je suis leur BB.
Tu as débuté dans cette carrière sportive avec des difficultés pour obtenir des soutiens financiers. Comment as-tu trouvé les sponsors qui t’accompagnent aujourd’hui ?
Mes parents se sont surendettés durant 3 ans pour payer mes déplacements et mon matériel. Mon frère a dû travailler pour payer ses 3 années d’ingénieur à Caen à cause de moi. Nous avons passé 3 années très dures jusqu’à ce que la société Badak, suite à un post LinkedIn, me propose de faire un site internet afin de m’aider dans mes recherches et me faire connaître. En même temps, un sponsor qui m’avait promis monts et merveilles m’a lâché avec une dette de 7000 €. Déçue j’ai annoncé, dans un post, l’arrêt de ma carrière. Comme une bouteille à la mer, mon post a été relayé et partagé des centaines de fois, et, grâce à mon site internet, j’ai pu réagir vite et répondre à toutes les sociétés qui m’ont contactée !
Tu es Vice-Championne du Monde -23 ans et tu participes à la tournée Coupe du Monde des seniors pro avec de très bons résultats !
C’est très prometteur pour l’avenir. Je suis en avance sur l’ensemble des jeunes de mon âge, mais en retard sur les seniors puisque je suis 15e mondiale.
J’ai bien progressé cette année malgré mon peu d’entraînement et le bac, mais il me reste beaucoup à apprendre pour me faufiler dans le Top 5. Ce qui veut dire aussi que je n’ai pas encore atteint ma limite de progression. C’est positif pour rester motivée.
2023, une année importante à un an des Jeux, quelles sont tes ambitions ?
2023 est l’occasion de faire plus d’entraînements et de préparations physique et mentale. Je suis déterminée à ne rien lâcher ! Sachant que si je n’y arrive pas, cette préparation aura un avant-goût pour 2028. Je saurais à quoi m’attendre en termes d’investissement et de sacrifices.
Il me reste donc 1 an pour atteindre le top 5. Je n’ai rien à perdre. Le top 10 se joue à 1 point de plus ou de moins sur des choix tactiques et de stratégie. Aujourd’hui, il me manque la vitesse que je n’ai pas pu travailler à cause du lycée d’une part, et d’autre part parce que je ne pouvais pas optimiser ma préparation physique, car j’ai arrêté de grandir seulement l’année dernière. Mes sponsors sont prévenus, je suis l’outsider française pour 2024 !
LE REGARD D’ANTOINE WEISS, ENTRAÎNEUR DU PÔLE FRANCE DE KITESURF À MONTPELLIER
Le kitesurf est une nouvelle discipline au programme des JO de Paris 2024
Le kite connaît une ascension fulgurante. D’abord considéré par l’ensemble des fédérations comme sport de plage, c’est désormais une discipline de très haut niveau intégrant une course matérielle et financière folle laissant pas mal de passionnés sur le bord de la route. Le kite est né dans les années 90, la première école dans les années 2000, la structuration du haut niveau vers 2014 passant du Freestyle à la race. L’adaptation a été plutôt brutale, les besoins olympiques n’étaient pas en adéquation avec l’esprit fun de la discipline du kite. L’intégration au sein de la FFVoile nous a apporté son expérience dans l’entraînement et la structuration du haut niveau. Les échanges entre les entraîneurs expérimentés, les cellules de la performance de la fédération tamponnées par les entraîneurs « sources » ont permis de faire évoluer les mentalités.
Aujourd’hui, le kite garde ses spécificités au sein de la FFVoile tout en tirant ses athlètes vers le plus haut niveau avec d’excellents résultats en 2021 et 2022 : triple podium féminin et masculin aux Championnats d’Europe, Champion du monde chez les hommes et un podium chez les filles. Les jeunes n’étant pas en reste avec une médaille de bronze puis d’argent cette année pour Héloïse sur les CDM jeune et CD isaf.
L’objectif et les exigences olympiques s’ancrent progressivement dans les habitudes de nos athlètes qui sont aujourd’hui des sportifs professionnels avec des emplois du temps aménagés pour la performance.
Pouvez-vous nous parler d’Héloïse ?
Héloïse avait un profil atypique. Brillante à l’école, travailleuse et volontaire sur l’eau et surtout elle avait déjà un objectif en tête : devenir championne olympique !
Cette mentalité de gagneuse ne correspondait pas à la dynamique “fun” encore prégnante chez les jeunes. Je lui ai proposé de venir s’entraîner au sein du Centre d’Entraînement Méditerranée de La Grande Motte (CEM) pour parfaire en toute quiétude sa formation d’athlète de haut-niveau.
C’était un pari, car à 17 ans, en habitant à Toulon et en ayant repris ses études en présentiel, les déplacements, les stages, les compétitions lui ont imposé d’avoir une rigueur scolaire et physique à toute épreuve. Héloïse a su s’adapter et les outils de la performance du Pôle France Jeune de La Grande Motte lui ont permis de se développer dans cet axe.
Le déclic s’est produit au Championnat d’Europe senior à Villeneuve les Maguelones. Après un début de régate stressant et jalonné de petites erreurs, je voyais bien qu’Héloïse pouvait accrocher l’élite mondiale : il fallait juste la faire basculer mentalement et lui faire admettre son potentiel. Héloïse finit dans le top 10, résultat incroyable pour une jeune de 17 ans au sein d’un championnat senior.
Héloïse a compris comment le HN fonctionnait et est devenue la référence jeune du Kitefoil de Haut Niveau en France et à l’international. Elle fait partie des potentiels sélectionnables pour 2024. Elle reste dans l’ombre des meilleures, mais est prête à bondir pour saisir sa chance. Pour moi, 2024 n’est qu’une étape, un bonus, au regard de son âge, 2028 et Los Angeles s’offrent à bras ouverts.
En 2024, elle peut jouer les trublions au sein de l’élite nationale. Elle en a le potentiel et surtout, ce n’est que du bonus ! la pression n’est pas sur ses épaules. Elle est le joker qui peut surprendre le système en 2024 tant sa progression est rapide. En tant qu’entraîneur national jeune, Héloïse est selon moi le plus gros potentiel français ; elle dispose encore d’une grande marge de progression par rapport à ses adversaires.
Héloïse fait déjà partie de l’élite mondiale, reste quelques marches à franchir pour la propulser en tête du groupe France !
Patrick Chevallier
Président - producteur de Juvaprod