Émilie Lépron et Richard Mailhé respectivement Directrice et Président du CROS Occitanie répondent à nos questions sur ce sujet.
On oppose en permanence les sports sous licences fédérales et le sport sans licence, pour quelle raison ? Et surtout, a-t-on raison ?
Cette opposition est historique, parce que le sport fédéral est un principe fondateur du sport en France, installé comme une évidence institutionnelle depuis la fin du 19e siècle.
Opposer les différentes pratiques semble être une erreur, parce qu’elles sont complémentaires et permettent de répondre à l’évolution des attentes de la société et de favoriser la massification, par un accès élargi pour toutes et tous, quel que soit le profil (compétiteurs, amateurs, occasionnels), la situation géographique (secteur urbain ou rural) et en proposant une diversification des pratiques.
Pendant le COVID et en sortie de crise, même si l’on a vu la population faire de l’exercice physique sans structure. On a aussi vu que le club était la valeur refuge pour l’encadrement, la vie sociale, la gestion des équipements et des ressources innovantes, notamment les cours en visio. Comment poursuivre sa prédominance dans le contexte actuel de forte demande de sport loisir hors cadre ?
Les pratiquants « non fédérés » ont toujours existé et existeront toujours.
Ce sont pour l’ADN et les valeurs que portent les clubs que les licenciés s’engagent dans les structures du Mouvement Sportif. Ils adhèrent à un projet, ils sont séduits par la dimension sociale, l’ancrage local et le savoir-faire des structures qui se professionnalisent.
Le modèle « traditionnel » reste attractif, mais la diversification et l’autonomisation de la pratique sportive sont un défi majeur actuel pour les clubs, qui ont une opportunité de séduire de nouveaux pratiquants en imaginant d’autres modèles de pratiques et de fonctionnement, moins engageants et moins contraignants, pour répondre aux attentes. On pense notamment à des créneaux « à la carte », à la gestion en ligne des inscriptions et des paiements, à des pratiques innovantes… déjà expérimentés par certaines fédérations.
La nouvelle gouvernance du sport n’était-elle pas mise en place notamment pour lisser ces antagonismes ? Dans la pratique est-on sur la bonne voie ?
La nouvelle gouvernance vise effectivement à engager tous les acteurs du sport (Mouvement Sportif, État, Collectivités territoriales et Monde économique) dans la réflexion et la co-construction d’un projet commun, en positionnant le pratiquant au cœur des enjeux pour offrir une palette de services complémentaires et en adéquation avec les attentes et besoins des territoires.
Les travaux de la Conférence Régionale du Sport sont en cours, un Projet Sportif Territorial, présentant les axes stratégiques et le plan d’actions pluriannuel sera dévoilé fin 2022.
Du sport loisir, sous-entendu sans compétition, on peut faire le raccourci rapide vers le sport santé ? Sur ce sujet, il y a également de nombreux acteurs qui se positionnent, dont le CNOSF, qu’elle est votre vision sur ce sujet ?
Quand on parle de sport santé sous l’approche du sport loisir, il s’agit de s’adresser à tous les publics en veillant en particulier à la réduction des inégalités sociales d’accès à la pratique d’activité physique et sportive et au développement de l’offre d’activité physique adaptée.
Le CNOSF s’est complètement emparé du sujet, au travers de plusieurs actions :
• Sentez-Vous Sport, dispositif lancé en 2010, visant à promouvoir l’activité physique auprès de toutes les générations, dans un objectif de bien-être. Cette opération perdure et se caractérise par une labellisation de manifestations et des campagnes de communication durant le mois de septembre, pour inciter les Français à pratique une activité physique. Le CNOSF organise également chaque année les Trophées Sentez-Vous Sport, afin de valoriser les plans d’actions sport-santé bien-être au sein des entreprises.
• Le MÉDICOSPORT-SANTÉ ©, un dictionnaire à visée médicale, porté par la commission médicale du CNOSF et recensant les protocoles d’activités physiques adaptées, à des fins de prescription ou de préconisation d’activités physiques et sportives par les médecins, à des patients atteints de maladies chroniques. Le dernier ouvrage, publié en 2020, impliquait 45 fédérations sportives représentants 67 disciplines sportives.
• Les dispositifs destinés aux jeunes et notamment la Carte Passerelle, visant à encourager des enfants et adolescents dont les capacités cardiovasculaires sont en nette dégradation depuis plusieurs années, par manque d’activité physique quotidienne.
Le sport loisir est une belle opportunité pour le Mouvement Sportif de diversifier son offre de pratique (et donc de développer son modèle économique), de s’ouvrir à de nouveaux publics (des plus jeunes aux seniors, en passant par le sport en milieu professionnel) tout en veillant à adapter la façon de faire pratiquer.
Espérons que le plan « 5000 terrains de sport » lancé en octobre 2021 par l’État soit un accélérateur de l’accès à la pratique sportive et à ses bénéfices, dans les quartiers comme les territoires ruraux.
Là encore dans une certaine polémique on oppose : le CNOSF, les fédérations délégataires, affinitaires et de nombreux autres acteurs « sport santé » émanant d’organisations santé ou sportives, institutionnelles ou privées et marchandes. Y a-t-il de la place pour tout le monde ou pensez-vous qu’il faut réguler ?
Les besoins et les enjeux sur le long terme sont tellement importants en matière de santé publique que nous pouvons considérer qu’il y a de la place pour tout le monde, quel que soit le type de pratique, encadré ou libre, associatif ou de loisir marchand.
L’offre, à partir du moment où elle répond à un besoin des bénéficiaires, ne pourra pas être régulée. Toutefois, c’est son encadrement qui doit répondre à certaines exigences, notamment celle de la formation. Les risques de prendre en charge une personne non pratiquante, sédentaire ou encore atteinte de maladie chronique sont importants et nécessitent de prendre des précautions dans l’accompagnement et le suivi de la pratique sportive.
Les fédérations se sont emparées de cet enjeu, certaines proposant des modules de formation à leurs éducateurs sportifs, afin de les soutenir dans la mise en place d’activités sport-santé.
Dans cette logique et en parallèle du MÉDICOSPORT-SANTÉ ©, le CNOSF accompagne les fédérations sportives et ses structures déconcentrées dans l’élaboration et la mise en œuvre de formations complémentaires autorisant la dispensation d’activité physique et sportive adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée.
Enfin, le CROS Occitanie propose également une offre de formation au Mouvement Sportif, dédiée à la mise en place de projets sport-santé au sein des associations sportives.
Revenons plus particulièrement en Occitanie, le sport loisir prend une place prépondérante, par le fait de notre géographie, campagne, villes, mer et montagne, nous avons la chance de tout avoir, comment réunir le monde fédéral et les collectivités en charge du tourisme par exemple pour une pratique sécurisée ?
Depuis une vingtaine d’années, les départements s’investissent en faveur du développe- ment maîtrisé des sports de nature, se dotent de politiques dédiées et mènent des actions ciblées. Avec la Commission départementale des espaces, sites et itinéraires (CDESI), le département implique les acteurs des sphères sportive, environnementale, touristique ou encore institutionnelle pour concourir notamment à l’élaboration du Plan départemental des espaces, sites et itinéraires (PDESI).
Ces instances, pilotées à l’échelle départementale pour prendre en compte les spécificités lo- cales de leur territoire, traitent donc de ces sujets.
Au regard de la richesse des spots de pratique des sports de nature en Occitanie, un lien sera naturellement établi avec la Conférence Régionale du Sport (CRdS), lorsque l’attractivité du territoire, par le biais de la pratique sportive touristique, sera abordée.
Merci également de faire le lien avec Paris 2024 et notamment à propos de son héritage en matière d’équipements, c’est l’héritage de tous. Comment les affecter efficacement à tout le monde et pour toutes les pratiques ?
L’Occitanie est une région richement dotée en équipements sportifs, mais la durabilité et le renouvellement des infrastructures sont au cœur des enjeux. La dotation en équipements est très hétérogène selon les départements et 22 % des communes d’Occitanie ne disposent d’aucune infrastructure sportive.
En lien avec leur volonté de contribuer à l’Héritage des JOP 2024, les collectivités, au-delà du soutien à la pratique sportive, investissent dans la création et la rénovation des équipements.
L’État est également partie prenante de cette dynamique, grâce à de multiples dispositifs financiers, provenant de l’Agence Nationale du Sport (ANS) notamment.
Il ne faut pas non plus oublier les fédérations, qui, pour certaines d’entre elles, accompagnent également financièrement l’installation d’équipements sportifs.
Enfin, en octobre 2021, l’État annonçait le plan « 5000 terrains de sport », qui devrait permettre la construction de
1 000 dojos et salles d’arts martiaux ou de boxe, 1 000 plateaux multisports, 500 terrains de basket et autant de padel ou encore 200 bassins mobiles d’ici 2024.
Les travaux de la CRdS devraient permettre de doter les acteurs du sport d’outils d’aide à la décision politique en matière d’équipements sportifs. Il paraît évident que l’enjeu de ce sujet « Équipements » se trouve dans la recherche de cohérence territoriale pérenne et durable.
Puisque nous parlons de Paris 2024, pouvez-vous nous faire un rapide constat à moins de deux ans de l’événement ?
La préparation de cet événement bat son plein, sur tous les fronts.
D’abord sur le plan sportif, nous imaginons que les sportifs d’Occitanie et leur staff commencent à décompter les semaines qui les séparent des qualifications, puis de la compétition…
L’équipe du COJO ne cesse de grandir, pour livrer, en temps et en heure et de la plus belle des manières possibles, des Jeux Olympiques et Paralympiques inoubliables !
Le CROS Occitanie se concentre davantage sur la façon d’associer la population et les territoires à cet événement planétaire, en amont, depuis plusieurs mois.
La Journée Olympique, organisée le 23 juin au CREPS de Montpellier, à destination des jeunes volontaires en service civique dans la région, en est un bel exemple. Permettre aux Occitans de découvrir de nouvelles activités sportives, échanger avec des sportifs de haut niveau, s’initier aux valeurs du sport et de l’Olympisme et assister à la présentation du projet « Paris 2024 » par les équipes du COJO, c’est déjà les immerger dans l’aventure !
Pour innover dans nos projets et parce que le public sénior nous paraissait « oublié » des actions en lien avec Paris 2024, le CROS est intervenu (par le biais d’un de ses volontaires en service civique), auprès de plus de 300 résidents en EHPAD entre mai et juin, autour d’une conférence « Les Jeux & Paris dans le temps, de 1924 à 2024 ».
Les territoires sont également associés aux actions portées par Paris 2024 au plus près de la population. Nous pouvons évoquer le label Terre de Jeux, la Tournée des Drapeaux, le Relais de la Flamme, l’Olympiade Culturelle, le Programme des Volontaires…
Le Mouvement Sportif s’associe à ces actions quand cela est possible et reste au plus proche des collectivités (Label Terre de Jeux), des établissements scolaires (Label Génération 2024) et toutes les parties prenantes de la dynamique 2024 pour les accompagner dans la mise en œuvre de plans d’action qui font vivre les territoires.
Les actions ne cesseront de se multiplier jusqu’en 2024…
Une dernière question hors sujet, mais tellement contextuelle, Richard, vous êtes un fervent supporter du MHR, comment vivez-vous ce titre ?
Le bouclier Brennus est largement mérité. J’assiste à tous les matchs à domicile du MHR et ce titre était très attendu par les supporters montpelliérains, mais également par le président, totalement investi pour ce club.
Président aussi critiqué pour avoir composé une équipe constituée de nombreux joueurs sud-africains. La remise en question et le mea culpa de ce grand dirigeant méritent d’être salués.
Je suis heureux pour lui, pour le staff et les joueurs, car la victoire est belle et acquise avec la manière : le premier quart d’heure fut un récital de virtuosité de certains joueurs.
Je n’oublie pas que je suis Castrais et que ma fonction de président du CROS Occitanie m’oblige à raison gardée… mais cette année, mon cœur penchait pour le MHR.
Le Brennus reste en Occitanie, cette terre d’excellence sportive et de rugby.
Propos recueillis par André Lafenetre
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