Patrick, vous êtes un ardent défenseur et un grand soutien du sport féminin depuis… 40 ans ! Comment et pourquoi vous êtes-vous investi dans cette quête d’égalité et de parité ?
Mon point de départ peut se situer en mai 1968. J’ai découvert, à travers les événements qui ont marqué cette période, une certaine forme de liberté, mais surtout que l’engagement des filles et des garçons de ma génération était total en une forme d’égalité dans les décisions et nos actions se réalisaient en parité. Les échanges entre filles et garçons étaient dans le sens de la répartition des tâches. C’est à cette époque que je me suis posé plusieurs questions.
Pourquoi les femmes devaient-elles obtenir l’autorisation de leur mari pour travailler et avoir un compte en banque ? Pourquoi, avaient-elles dû se battre pour acquérir le droit de vote ?
Il m’est revenu en mémoire un souvenir de ma mère qui n’avait pas pu faire de la gymnastique à l’adolescence, car ma grand-mère ne voulait pas qu’elle pratique cette discipline en raison d’un port de short trop court
Dès les années 70, j’ai mené quelques actions pour promouvoir la mixité. Je me rappelle avoir organisé, alors que j’étais jeune président du club sportif de mon entreprise, un tournoi de foot à 5 mixte avec quelques règles aménagées. Comme l’obligation d’avoir au moins 2 femmes dans chacune des équipes et un but marqué par une femme était valorisé à 2 points.
Au début des années 90, ma fille aînée a arrêté l’athlétisme, car on lui refusait la pratique de la perche...
Mon engagement, de façon beaucoup plus active, remonte au début des années 2000 grâce à une ministre, que je considère comme la meilleure que j’ai pu connaitre, qui a lancé les plans de féminisation.
Aujourd’hui, le combat est toujours là, car il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
L’un des fils conducteurs de la promotion du sport féminin semble être la mixité. Comment définir cette notion ?
La mixité est primordiale pour permettre la promotion du sport féminin. La reconnaissance, le développement du sport féminin sera une réussite grâce à la mixité. Les femmes et les hommes doivent pouvoir pratiquer le même sport. Certaines disciplines peuvent se pratiquer en mixité, on le voit bien aujourd’hui, en natation, athlétisme, triathlon et bien d’autres encore.
Le regard a changé sur ces épreuves mixtes que le grand public suit avec beaucoup de plaisir. Le développement se fera avec les hommes, mais pas sans les hommes.
Alice Milliat, une pionnière pour la défense du sport féminin a bénéficié en son temps du soutien de certains hommes et cela lui a permis d’accomplir ce magnifique parcours pour la défense du sport féminin. Notons qu’un bel hommage lui a été rendu le 8 mars au CNOSF où sa statue a été inaugurée aux côtés de Pierre de Coubertin.
Comment est appliquée la mixité aujourd’hui dans le sport français ?
Les choses évoluent doucement. En grande majorité, tous les sports sont ouverts aux femmes ; que se soient, le foot, la boxe, l’haltérophilie et bien d’autres…
Les JO de Paris en 2024 seront les premiers jeux avec une parité 50/50 chez les athlètes.
Cela est un peu plus compliqué dans la représentation dans les instances dirigeantes. Dans les postes d’entraineur, d’officiels… Dans ce domaine, nous avons encore beaucoup à faire.
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres sur l’évolution du sport féminin en France depuis 40 ans ?
Il y a 40 ans, on était à zéro ou presque zéro. Les choses ont vraiment commencé à changer au début du XXI° siècle. Les quelques chiffres que je peux donner sont assez récents.
Sur la médiatisation : en 2014, 7 % de retransmission à la télévision du sport féminin et en 2021, nous approchons les 25 %.
Il convient de constater un nouvel engouement des certaines chaines pour la transmission d’épreuves féminines comme W9 ou M6. La Coupe du Monde Féminine de Football en France en 2019 a été un énorme accélérateur. Mais il y a encore du chemin.
À ce jour, une seule femme Présidente d’une Fédération Olympique. Moins de 15 % de femmes DTN ou entraineure Nationale.
Dans le secteur de l’arbitrage, on est loin d’avoir une parité. Dans certains sports, il n’y a que des hommes comme officiels.
Dans les métiers du sport, peu de jeunes filles et femmes s’orientent vers les métiers liés vers l’activité sportive.
Quelles actions avez-vous menées et soutenues, notamment avec Femix Sports ?
Je ne pourrais pas les énumérer toutes. Je participe à beaucoup d’événements qui mettent en valeur le sport féminin et la mixité. Cela peut être ma participation de soutien à certaines épreuves sportives, à l’organisation et mon intervention sur des conférences, tables rondes autour du sport féminin.
Mon activité de producteur m’a permis de concevoir des films sur le sport féminin tel que « XIII filles en Ovalie » ; Regards de jeunes filles sur le foot féminin » et le dernier « Sportives : le parcours médiatique des combattantes ».
Je suis également référent pour Femix pour le réseau égalité femmes/hommes auprès de la Préfecture.
La prochaine étape sera la mise en place d’ambassadrices Femix dans la région Occitanie, car il est grand temps pour moi de passer le relais et avancer sur mes 2 prochains projets de films.
Comment selon vous pourrait-on obtenir la mixité à tous les niveaux de l’organisation du sport : pratique sportive, direction des instances sportives… ? De quels moyens disposons-nous ? Quels écueils devons-nous éviter pour ne pas tomber dans la discrimination ?
Selon moi, les élections dans les instances dirigeantes doivent se formuler sous la forme de binôme comme cela existe pour les élections aux Conseils Départementaux. Depuis que cela a été instauré, les décisions et les actions sont menées en parfaite parité.
Pour la pratique, je pense qu’aujourd’hui, nous avons gagné de belles avancées. Il n’y a plus de sports interdits aux femmes.
Il reste cependant encore beaucoup de lacunes dans les domaines de l’arbitrage, des métiers du sport.
Pour réussir ces différents challenges, il va falloir passer par l’information, la sensibilisation et également la médiatisation.
Le développement de la mixité doit commencer par l’éducation dès le plus jeune âge. L’école est le lieu d’apprentissage et de découverte de la pratique sportive filles/garçon, mais il faut également que les parents se sentent concernés par cet enjeu.
Gagner l’égalité femmes/hommes dans le sport suppose un investissement collectif. Une volonté de toutes et tous est nécessaire pour réussir cet énorme challenge !
Auriez-vous un message à faire passer ?
Ne surtout pas baisser les bras, le chemin est encore long. Mais, j’en suis persuadé, nous allons réussir ensemble cette mixité pour bien-être des femmes et des hommes !
Propos recueillis par Nathalie Laforgue