Bonjour Enzo, merci de vous présenter à nos lecteurs… Enzo Giorgi, j’ai 20 ans. Je suis né prématurément à Alès, le 27/7/2000. Cette prématurité a engendré mon handicap qui, pour faire simple, se traduit par une infirmité motrice cérébrale qui a endommagé le côté droit de mon cerveau et entraîne une raideur importante de la jambe gauche la rendant moins mobile. Étudiant en 2e année de BTS communication, j’ai passé mes examens mi- mai et j’attends les résultats. Je croise les doigts… Je souhaite continuer mes études en Bachelor sport business au sein de Sport Management School, une école à Paris qui diffuse une formation on line pour les sportifs de haut niveau et les personnes qui peuvent en avoir besoin. Ce Bachelor va me permettre de découvrir les métiers du sport business afin de me spécialiser dans un des domaines en obtenant un master.
Et concernant votre parcours sportif ?
Sur les conseils de mon papa, entraîneur d’escrime, j’ai débuté l’escrime à l’âge de 6 ans. Jusqu’à 16 ans j’ai pratiqué en valide. J’arrivais à compenser mon déficit physique par un peu plus de technique et de tactique. Mais en montant de niveau, l’impact de mon handicap devenait plus important. 2 choix s’offraient alors à moi : soit continuer l’escrime au niveau national valide ; soit franchir un palier dans ma carrière d’escrimeur en choisissant le handisport qui me permettrait d’être sur le même pied d’égalité avec tous mes adversaires. Et donc, de rêver à des compétitions plus importantes… Coupe du Monde, Championnats d’Europe et aussi Jeux paralympiques.
C’est donc le choix que vous avez fait !
Cela fait 5 ans désormais que j’ai pris cette décision et les résultats ne se sont pas fait attendre ! J’ai pu réinvestir tout ce que je connaissais déjà pour intégrer rapidement l’équipe de France junior et le groupe France senior, avec, notamment, un premier titre de Vice-champion du monde en 2017 à Varsovie dans la catégorie moins de 17 ans. Maintenant, je fais toutes les épreuves de Coupe du Monde avec les seniors, donc les adultes. Pourquoi ? Pour prendre de l’expérience avec les meilleurs et préparer Paris 2024 !
Donc, Cap sur Paris 2024 !
Mon objectif est clair : être sélectionné pour les Jeux de Paris 2024. Je dois donc réaliser des performances. C’est l’objectif numéro un de ma jeune carrière d’escrimeur.
En préparation, j’ai pour objectif déjà d’être à nouveau champion du Monde junior. Je serai dans cette catégorie jusqu’à l’âge de 23 ans. À moyen terme, j’aimerais m’installer parmi les meilleurs mondiaux dans les 16 premiers, puis, dans les 8 et enfin, aller chercher des médailles ! Paris c’est un magnifique objectif, mais il se construit avec de nombreux autres
« petits » objectifs…
Où sont vos potentiels de progression ?
J’ai des progrès à faire sur tous les plans, physiquement, mais surtout tactiquement. Arrivés à un certain niveau, nous avons tous un niveau d’escrime élevé et je pense que pour s’installer régulièrement à haut niveau, la dimension tactique est primordiale. Cette dimension tactique, c’est la façon dont on construit un match. On peut résumer un match d’escrime à une histoire que l’on écrit avec notre adversaire. Pour que cette histoire soit cohérente, il faut un rythme qui permet de sublimer les temps forts et de gérer les temps faibles.
Quelles sont aujourd’hui les nations qui dominent votre sport en Handi ?
Il y a les Chinois, les Russes les Italiens. Je pense que la France se situe un peu derrière ces 3 nations-là.
Vous êtes donc en équipe de France ?
Je suis en équipe de France chez les juniors et dans le groupe France (10/12 personnes) chez les seniors au sein duquel 4 sportifs seront sélectionnés pour les épreuves internationales. Nous avons, lundi, un rassemblement du groupe France et nous allons être partenaires d’entraînement/sparring-partner pour ceux qui partent aux jeux de Tokyo.
Je fais de nombreux stages très enrichissants puisque je vis au plus près une préparation paralympique. Une excellente expérience pour Paris dans 3 ans !
Comment construisez-vous votre carrière ?
Sur le plan économique, je suis très bien entouré. Heureusement, car une saison coûte cher, entre 25 et 30 000 €. Sans mes partenaires, je ne pourrais pas faire l’ensemble des compétitions. Le coût tient essentiellement aux déplacements. Pour exemple, j’ai une coupe du Monde dans 2 semaines à Varsovie ; les billets d’avion ; les nuits d’hôtel, les repas, les frais d’entraînement. Cela représente un coût certain ! Sans oublier 3 épées supplémentaires, plusieurs tenues, et… le fauteuil.
J’évolue sur le fauteuil donné par un athlète de haut niveau David Maillard, mais j’envisage d’investir dans un fauteuil sur mesure, totalement adapté. C’est un passage obligé pour le très haut niveau, mais aussi un coût très important, 5 à 8000 euros.
En dehors de votre entraîneur qui vous suit ?
Je suis suivi par un nutritionniste, un préparateur physique et une sophrologue. Il y a bien sûr également un kiné et un ostéopathe, et, plus largement, tout ce qui permet la récupération. J’espère avoir 10 ans de carrière à haut niveau, je dois donc m’entretenir pour être constant.
Quelles sont les aides de la Fédération ?
La Fédé ne prend à sa charge que les frais lors des championnats d’Europe, du Monde et les Jeux Olympiques. En revanche, rien concernant les étapes de coupe du Monde, pourtant indispensables pour être sélectionné. C’est une question de moyens…
Voilà pourquoi mes partenaires Malakoff Médéric Humanis, la Banque populaire, le Département du Gard, la ville de Nîmes et Loximat ou encore la Région Occitanie sont essentiels. Grâce à eux, je pourrais acheter un nouveau fauteuil et réaliser ma saison complète.
L’escrime est le terme générique, mais quelle est votre spécialité et quelles sont les différences ?
L’épée est l’arme par excellence en handi. On ne touche pas les jambes, mais uniquement de la ceinture à la tête. C’est l’arme de duel. Quand on touche on a un point, si les 2 touchent en même temps, les 2 ont un point.
Au fleuret, on touche uniquement le tronc, avec la mouche : le bout du fleuret, c’est une arme conventionnelle. C’est l’attaque qui a raison. Si les 2 touchent en même temps, c’est celui qui a attaqué en premier qui aura le point.
Enfin, le sabre est aussi une arme conventionnelle qui donne raison à l’attaque. C’est l’arme des cavaliers. Ainsi, on peut toucher de la ceinture jusqu’à la tête, avec le bout du sabre, mais aussi le tranchant des 2 côtés du sabre.
Il y a donc 3 armes différentes, l’épée est la plus grosse. Le fleuret plus léger, plus petit, sert pour le fleuret et le sabre.
Saviez-vous que seuls les nobles avaient le droit d’utiliser l’épée ? Le fleuret était l’arme d’entraînement.
Propos recueillis par André Lafenetre